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vendredi 20 février 2009

raymond hains

"Raymond Hains", Centre Georges Pompidou, 27 juin-3 septembre 2001. Publié dans Art press n°272, octobre 2001.

« La rivière n'a pas dit à l'homme mon nom est rivière ; mais un ancêtre jetant son eau s'écria : Là, rive y est air ; il fut nommé Larivière et donna son nom aux rivières. Cet ancêtre fut légion ». Amateur des calembours du marquis de Bièvre et sans doute de Brisset, pourfendeur de « La lettre et le néant », Raymond Hains est de ceux qui se troublent et s'inquiètent s'ils mangent un Chateaubriand à la Vallée aux Loups ou une Raymondine à Cahors... A n'en pas douter, la vérité n'est pas lisse. Explorateur des milliers de coïncidences qui relient le langage, les êtres, les lieux et les objets, Raymond Hains considère la parole comme une barrière ou plus exactement comme la palissade qu'il s'agit de décoder.

Ce n'est donc pas un hasard si une palissade bleue inspirée par les dispositifs bancaires de vidéo surveillance accueille le visiteur de la première rétrospective Hains au centre Georges Pompidou. Avec un écart de quelques vingt-cinq années, elle répond à la Palissade du chantier Beaubourg (1976) dont la construction était annoncée par des panneaux émanant des ministères des affaires culturelles et de l'éducation nationale ! Accusant cette ambiguïté, Hains accroche également son Monochrome dans le métro (1983) face à la rue piétonne qui longe la galerie vitrée. L'histoire ne dit pas si quelque touriste égaré aura tenté de prendre la correspondance ! En tout cas, cette affiche entièrement bleue, qui surplombe trois ou quatre fauteuils de métro parisien, atteint son but à la fois comique et troublant. Pourquoi ne pas s'asseoir là et attendre ? Attendre quoi ? Où exactement ?

Côté mur, l'exposition recèle d'autres surprises comme les deux "films abstraits" Pénélope (1950-54) et Études aux allures (1960) dont on peut comprendre la genèse en observant les bandes de papiers gouachées et le fameux verre cannelé qui ont été utilisés pour le tournage en 16 mm. Comme le disait Camille Bryen à propos de l'Hépérile éclaté (1952) : « Vive le courant d'air de l'illisible, de l'inintelligible, de l'ouvert » !

Dans cet ensemble "calembouresque" qui se déploie comme une toile d'araignée à l'odeur de troène, on remarque inévitablement les Mackintoshages, les allumettes démesurées de la géante Iris Clert ainsi que les jeux de mots sur « L'art à Vinci » ou sur ces ânes de critiques qui cherchent à revêtir une peau plus artistique (L'âne vêtu de la peau de lion, 1967) ! L'insertion de deux affiches de la série « La France déchirée » relative à la guerre d' Algérie (OAS, fusillez les plastiqueurs et Alleg, Alger (1958-61)) laisse plus perplexe. Elle ne semble pas relever de cet esprit gouailleur qui conduit Hains à exposer les échafaudages de sa collection personnelle. Ambiguës, immergées dans le dispositif général sans explications particulières, ces affiches déchirées font l'effet de vestiges lyophilisés, dont on peine à situer la portée et les éventuelles ramifications lettristes ou situationnistes.

Comme le suggère Hains lui-même, les effets de brouillage et les efforts de classification se rejoignent pourtant quelque part, en un point. Mais quel est ce point ? Point de l'esprit inspiré par ses lectures mystiques à André Breton ? Point d'interrogation nietzschéen ? Points de suspension ? Eh bien, non ! La bibliothèque hainsienne (qui fourmille de références) et ses oeuvres (riches en rebondissements) se rejoignent en un point internet spécialement conçu pour l'exposition et situé au coeur d'une... armoire-lit bretonne ! Comme quoi on ne se méfiera jamais assez du « dialecticien des lapalissades » !

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