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vendredi 20 février 2009

paul thek

"Paul Thek dans le contexte de l’art actuel", ZKM, Karlsruhe, 15 décembre-30 mars 2008. Publié dans Art press n°344, mai 2008

Imposante, l’exposition du Musée d’art contemporain présente à la fois une rétrospective de Paul Thek (1933-1988) et de nombreuses œuvres d’artistes vivants. L’ambition des commissaires est de confronter le travail de l’artiste américain à des créations récentes, pour montrer à quel point l’éclectisme de son approche (dessin, peinture, photo, sculpture, environnements) était en avance sur son temps. Le parcours est labyrinthique, quelques 300 œuvres de Thek côtoient les créations d’une vingtaine d’artistes dont Franz Ackermann, Cosima von Bonin, Mike Kelley, Thomas Hirschhorn, Jon Kessler, Jonathan Meese, Bob et Roberta Smith, Gregor Schneider… Il s’agit de montrer l’imprégnation et la diffusion anarchique du style de Thek et non de bâtir une exposition démonstrative en deux parties distinctes qui se conclurait par la présentation de ses héritiers.

On pourrait dire que Paul Thek fut le pionnier du « work in progress » à caractère mystique. Après deux expériences novatrices menées au Moderna Museet de Stockholm et à la Documenta 5 de Kassel, il oeuvra, en 1973, à un nouveau projet collectif avec l’Artist’s coop : Ark, Pyramid, Easter. À cette occasion, la Kunsthalle de Luzern fut transformée en théâtre de création permanente où les artistes vivaient jour et nuit et travaillaient en présence du public. Placée sous une pyramide tronquée couverte de papier journal, l’installation comportait trois œuvres phares de Thek qui furent les seules à être sauvées de la destruction trois ans après la fermeture de l’exposition : The Tomb (1967), The Fishman (1968) et Dwarf ParadeTable (1969). Avec un souci que l’on pourrait dire « archéologique », ces œuvres et d’autres précieux vestiges sont exposés tandis que de grandes reproductions photographiques noir et blanc documentent ces manifestations éphémères.

Avant cela, en 1966, alors qu’il présentait ses Meat peaces (qu’il rebaptisa ensuite Reliquaires technologiques) à la Pace Gallery de New York, Thek formula des réponses très singulières aux mouvances pop et minimalistes. Avec de la cire colorée, il imita des découpes de corps humain en poussant le réalisme jusqu’à disposer des mouches. Dans la même veine, on pense aux sculptures de Michel Journiac, Tetsumi Kudo, Damien Hirst, des frères Chapman et, plus récemment de Thomas Hirschhorn. Par le biais de figures de cire et de moulages de son propre corps, Thek livra un autoportrait macabre qui ne manquera pas de surprendre le visiteur. Mais le musée ne présente pas les œuvres les plus extrêmes, qui sont simplement reproduites dans le catalogue.

Les petites sculptures en bronze qu’il réalisa en 1975-1976, notamment autour du thème biblique de la Tour de Babel, sont isolées. Les liens avec les installations Processions (1977) et Where are we going ? (1980) ne sont pas assez précisés. Oscillant entre réalisme descriptif et décoration colorée, les dessins, les peintures à l’acrylique et les Newspaper paintings des années 1980 sont bien plus nombreux (trop sans doute). Alors qu’il nourrissait le projet de se retirer dans un couvent, Thek affirmait qu’il voulait faire de la « BAD painting », pour « choquer et heurter » et non pour «  onsoler ». Ces créations sont présentées près du mural d’Ackermann (qui est professeur à la Hochschule de Karlsruhe) mais elle entrent surtout en résonance avec l’œuvre de Kippenberger dont on ne voit, hélas, que Le naufrage de la Méduse (1996). Même remarque pour Mike Kelley, artiste multiforme et théoricien qui a déjà souligné les filiations entre Thek et l’art actuel, et dont on aurait vraiment aimé voir plus de pièces (non activée, son installation Kandor Con semble propre et sage). Certains liens semblent plus ténus. Est-il suffisant de prendre pour motif les deux tours du World trade center (que Thek surnommait Sodome et Gomorrhe et qu’il a représentées au moment où elles surgissaient en face des fenêtres de son atelier, en 1972) pour établir un rapprochement avec l’installation vidéo très ludique de Jon Kessler où les gratte-ciel détruits apparaissent sous forme de cartes postales ? Nul doute que le propos aurait été plus percutant et certains rapprochements plus pertinents si le nombre d’artistes avait été réduit, si des pièces plus incisives avaient été retenues. Toutefois l’ensemble constitue un évènement, une découverte majeure susceptible de remettre certaines pendules à l’heure.

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