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vendredi 20 février 2009

louise bourgeois

"Louise Bourgeois", Centre Georges Pompidou, 5 mars-2 juin 2008. Publié dans Art press, mai 2008.

Quelques 200 œuvres regroupant des environnements, des sculptures, des peintures, des gravures et des dessins faits entre 1938 et 2007 : la rétrospective réalisée par le Centre Pompidou et la Tate Modern est enfin à Paris ! Défiant les catégories et les genres, l’œuvre de Louise Bourgeois (née en 1911) tourne autour de l’abandon, la culpabilité, l’enfance, la maternité et la sexualité (autant de thèmes abordés dans le catalogue alphabétique de l’exposition, mais rien, hélas, sur son influence sur les jeunes artistes) ; elle explore le tissu, le bois, le plâtre, le marbre, le latex, le bronze, l’acier.

Par manque de place sans doute, les œuvres se déploient sur deux niveaux, dans deux expositions différentes, qui se tiennent l’une dans la Galerie 2 au sixième étage, l’autre dans la Galerie d’art graphique du Musée. Une telle partition laisse l’amateur un peu frustré : elle nuit à la perception globale de l’œuvre. La première exposition débute avec les peintures de Femme-maison des années 1945-47, et se termine avec The Couple, vingt gouaches réalisées en 2007. Renvoyant dos à dos surréalisme et mouvement moderne, l’œuvre de Bourgeois exprime une tension permanente (entre l’organique et le construit) qui s’exprime dès le milieu des années 1940, alors qu’elle sculpte ses Personnages dans le bois qui sert à la construction des citernes, sur la terrasse de son building new-yorkais. On regrettera simplement que le caractère novateur de ces réalisations simples et austères qui relèvent d’une conception élargie de la sculpture et annoncent l’approche minimaliste d’un Carl Andre ne soit pas mis en valeur. Pour certaines inédites, des œuvres appartenant à la collection de l’artiste sont également montrées. Parmi elles, Destruction du père (1974) est une œuvre-clé qui intéressera tout particulièrement les lecteurs de ses écrits réunis par Marie-Laure Bernadac (sans qui la reconnaissance si tardive du travail de Louise Bourgeois n’aurait sans doute pas été possible en France) : organique, cannibale, éclairée par une lumière rouge théâtrale, il s’agit de la première installation de l’artiste. Le tiraillement entre le mou et le dur, le tissu et l’acier, entre la couture et la soudure, atteint son acmé avec la série des Cellules qui marque les années 1990. À défaut de montrer l’ensemble des cellules (ce qui serait un projet titanesque), la mise en présence des deux Red rooms (1994) Parents et Child avant d’arriver au Passage dangereux (1997) –une cage dont la longueur avoisine les 9 mètres- semble judicieuse.

Enfin, l’exposition de la Galerie d’art graphique (où sont paradoxalement montrés des objets) réserve quelques surprises : en particulier des dessins de 2007 réalisés avec une énergie et une capacité de renouvellement qui paraissent inouïs en regard de l’âge de l’artiste. Ce sont les feuilles de papier à musique sur lesquelles Louise peint ses mains et celles de Jerry Gorovoy, son assistant (10 am Is When You come). Ce sont surtout les onze magistrales gravures de la série Extrême tension où l’artiste décrit ses sensations physiques et représente avec retenue et efficacité les détails de son propre corps en morceaux, de la base du crâne jusqu’au rectum.

Il y aurait encore à dire sur le rêve orgiaque de Seven in bed (2001), sur la polarité de Janus (1968), sur l’absence de I Do, I Undo, I Redo, menaçantes et immenses tours métalliques que l’on gravit seul par un escalier en spirale. Au lieu de cette expérience forte, propre à faire table rase des clichés sur l’art féminin, on devra se « contenter » (si l’on peut dire) de Crouching Spider (dans le forum du Centre Pompidou) et surtout de Maman (bronze de 9,27 m de haut dans le jardin des Tuileries). Quelle que soit la répulsion que l’on éprouve pour l’araignée, prédatrice féroce et tisseuse d’exception, elle appartient à notre bestiaire familier, tout comme le chien de Wegman et le cochon de Delvoye.

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